18 mai 2022 par Éducap +

10 secrets pour une pratique bienveillante

On a décortiqué pour vous, nos essentiels en termes de “pratiques bienveillantes”. Attention, pas de recettes miracles, pas de leçons de choses, juste des pistes de réflexion.

Je suis allée  fouiller dans nos pratiques pour donner des pistes de réflexion, des idées, partager ce qui fonctionne pour nous. Alors sur quoi, on se base pour dessiner les contours de ces “pratiques bienveillantes” ?

Câlin mère fille
Peinture enfant sourire
Père et fils faisant l'avion

Poser le cadre et être au clair avec les règles

Si, si, je t’assure, le “cadre”, les “règles” ceux ne sont pas des gros mots! Le cadre garantit la sécurité physique et morale. Les règles permettent que nous vivions bien ensemble. Les règles définissent le cadre. Encore faut-il être vraiment au clair avec ce cadre. Quelles sont pour nous nos attentes primordiales ? Quelles sont pour nous les choses non négociables ? Quelles sont nos règles à nous ? On se fait une check list. Dans la mienne il y a : apprendre à l’enfant à faire seul ; lui laisser un espace de parole mais une parole respectueuse ; porter du soin au langage ; parler doucement ; prendre soin des biens et des personnes… Ces attentes doivent être communiquées aux ATSEM, aux parents, à la mairie, à la cantinière et surtout aux enfants ! Il faut les tenir au courant et leur expliquer ce que l’on attend d’eux de façon claire. Et eux aussi, ont leur mot à dire (d’ailleurs ça tombe bien, c’est une de mes attentes, l’espace de parole), pour qu’il y est un effet GAGNANT-GAGNANT, il faut les impliquer. Donc chaque année, je leur demande de quoi ont-ils besoin pour être bien, comment peut-on faire pour réussir à travailler ensemble toute une journée. Posez la question, vous serez étonnés des réponses mais souvent ils n’aiment pas le bruit, ils ont besoin de tranquillité, de jouer… De ces discussions va se profiler le cadre, les règles. C’est ce que l’on appelle de la co-construction de règles ! Et quand les règles sont co-construites avec les enfants, elles sont respectées ! Le cadre est posé on peut commencer ! En famille idem, il y a le cadre que l’on construit avec nos valeurs, ce qui est important pour nous. Il est donc différent d’une famille à l’autre. Par exemple, dans notre famille, on regarde les écrans le week-end pas la semaine, c’est une règle que l’on s’est donnée. Du coup, on tient bon, même en milieu de semaine lorsque l’on est tous fatigués, on tient, on fait face aux frustrations mais on tient bon. Peut-être que la règle évoluera mais pour le moment c’est ce qui nous convient à tous. On fait plus de choses la semaine, on se sent moins énervés, on se sent donc mieux. Le but du cadre, c’est de se sentir bien.

Anticiper les situations problématiques

Au lieu de laisser voir venir, mieux vaut prévenir et anticiper. En gros, « Rien ne sert de courir, il faut partir à point » ! Lorsque l’on encadre un groupe d’enfants entre 3 et 6 ans, mieux vaut anticiper les débordements. L’astuce : ici, on se met en situation, on se fait des mini-réunions le midi et on se fait le film du nouvel atelier, de la sortie poney… Cela nous permet de mettre en évidence les petits détails qui peuvent faire tourner une situation banale en situation de CRIIIIISE ! Et avant chaque changement, chaque nouveauté, je verbalise, je préviens les élèves. Cela leur permet aussi d’être rassurés. Bref, en anticipant, on prévient bien des désagréments ! Mais attention, on ne peut pas tout anticiper! En famille, même chose, je préviens. Un exemple frappant : la boulangerie. “On va à la boulangerie, je te préviens, nous y allons pour du pain et seulement du pain. Il va y avoir plein de choses que l’on aurait envie d’acheter, mais nous, nous avons besoin de pain, seulement et uniquement de pain.”

Se parler sur des temps dédiés à ça et non devant les enfants

Même si généralement aucun temps de communication n’est prévu entre ATSEM et enseignant ou qu’il est parfois difficile de trouver du temps avec son conjoint, il faut absolument s’en trouver, le bien-être des enfants est en jeu et notre bien-être également. Alors, oui, c’est contraignant, mais c’est important! Nous, sur l’école, c’est le matin avant la classe, le soir après la classe ou bien sur le temps du midi. On se réunit, max. 15’ (parfois, on se met le minuteur !) et on peut parler de ce qui a fonctionné, pas fonctionné, des soucis avec un élève, d’un problème récurrent, de quelque chose qui chiffonne.  Avec le conjoint, le soir après le coucher des enfants. Car il ne faut pas laisser les choses qui chiffonnent trop longtemps se chiffonner parce que ça finit par faire une grosse boule… de nerfs!!! Donc, ici, on en parle sur un temps fixé en amont. Du coup, on ne se réajuste pas devant les élèves ou nos enfants, ça c’est primordial parce qu’il faut qu’ils nous sentent donc soudés. Lorsque l’on est avec eux, on est là à 100%. Chaque adulte sait aussi qu’il sera écouté, la parole de chacun compte. C’est important de se sentir considéré.

Manger, boire, faire pipi: Nos besoins et les leurs ! PRI-MOR-DIAL !!!

Et on se le rappelle. L’ATSEM et moi nous nous rappelons régulièrement la règle du pipi ou du casse-croûte. Pour ce qui est de mon conjoint, je sais que lorsqu’il a faim, plus rien n’existe alors j’essaie de lui faire penser à manger !  Et oui, quand on a envie de faire pipi ou lorsque le ventre crie famine, on est beaucoup moins patient. Car en effet, les enfants vont boire quand ils en ont envie, ils vont aux toilettes quand ils en ont envie, ils bougent et vont d’un jeu à l’autre quand ils en ont envie. Et nous ?? Tout comme les enfants, nous aussi on boit lorsqu’on a soif, on va aux toilettes lorsque l’on a une envie pressante; et il faut se l’autoriser !

Se mettre à hauteur des enfants

Imaginez un géant de 3 mètres qui vous parlerez du haut de sa hauteur de géant ? Non, seulement, vous auriez super mal aux cervicales et en plus vous auriez juste envie de slalomer entre ses jambes et je ne suis même pas sûre que vous entendriez distinctement son discours. Bref, niveau respect/crédibilité c’est moyen. Nous, on fléchit les genoux pour ne pas se casser le dos et on parle aux enfants en les considérant face à face. Eux, apprécient énormément. On peut se parler les yeux dans les yeux avec respect. Et le message passe beaucoup mieux !

Chuchoter

C’est la règle pour les adultes de l’école : chuchoter et les enfants du coup parlent tout bas. C’est mission impossible de les faire chuchoter et en plus ce n’est pas bon pour les cordes vocales, donc on est d’accord, nous on chuchote et eux vont parler tout bas. On est intransigeante là-dessus. Les journées se passent dans le calme et tout le monde est content. A la maison, presque pareil, j’essaie d’instaurer le fait qu’on s’approche pour se parler, on évite de s’interpeler d’une pièce à l’autre.

Avoir une petite parole positive pour chacun

Tous les matins, que ce soit l’ATSEM ou moi, on essaie d’avoir une parole pour chacun d’entre eux. Une parole bien évidemment sympathique : « Je vous que as fait coupé tes cheveux ! Je trouve que ça te va très bien. » ; « Qu’est ce que tu nous amènes-là… ? » ; « aujourd’hui, je te réserve un petit programme sympa ! » ; « hier, j’ai vu que tu avais fait cela, aujourd’hui, ça te dit d’aller plus loin ? »… Les enfants se sentent donc accueillis, considérés, respectés. Et eux le font aussi entre eux (à vivre !). Entre adultes, c’est pareil, on se respecte. Nous avons établi un protocole de communication bien clair et nous travaillons l’empathie et le respect.

Bannir les étiquettes

Tenter de ne pas mettre d’étiquette sur les enfants car une fois collée, ça reste… parfois à la glue et l’enfant devient inconsciemment l’étiquette qu’on lui a collé. Exemple : « il est nul en math… » (classique) A force de le penser, on ne verra que ses erreurs et l’élève croulera sous les erreurs et deviendra malheureusement nul en maths… Même chose avec un enfant que l’on trouve « pénible » « hyper actif » « mal poli »… D’une part, on est dans le jugement et resté dans le jugement n’est pas vraiment constructif. D’autre part, on ne donne aucune chance à l’enfant de se défaire de cette étiquette. Alors, j’ai une technique TESTÉE et APPROUVÉE et même ÉPROUVÉE. Quand j’arrive à un point de non retour avec un enfant, j’essaie le matin d’imaginer que je le vois pour la première fois, je vais alors le découvrir.  C’est une gymnastique de l’esprit mais ça fonctionne assez bien. Cette technique a également été testée par l’ATSEM dans un autre contexte que la classe et ça marche ! ça ne coûte rien d’essayer (quand on pense avoir tout essayé). Pour le reste, sur l’école, on se donne une règle qui est fondamentale c’est de ne pas porter de jugements sur les enfants. Quand l’une d’entre nous le fait, on se fait de suite la remarque et on fait reset ! Chacun a sa chance!

L’erreur est un cadeau, valorisons, même les petits progrès, ne lâchons rien !

Il n’y a bien qu’en France que l’on a peur de l’échec ou de l’erreur. Aux États-Unis, l’erreur est valorisée, si tu as échoué une fois et que tu re-tentes ta chance c’est que tu fais preuve de résilience, tu as compris, tu sais te relever, tu vas chercher à faire différemment ! Appuyons-nous sur les erreurs, n’en faisons pas un drame ! Valorisons, encourageons, on est là pour les aider, pour les accompagner à vivre de petites victoires. Sans tomber dans la dépendance au compliment, les enfants ont besoin de nous sentir présents. Ce n’est pas parce que nous sommes dans une classe au fonctionnement autonome qu’il faut les lâcher sans objectif, les laisser faire sans rien dire. Non, il faut être là, étayant leurs erreurs, choisissant des activités soutenantes, engageantes, adaptées à leur besoin du moment pour les amener à se dépasser. Valoriser leurs progrès leur permet aussi de trouver un sens à l’école et d’aimer la fréquenter. Alors, a contrario, on évite ici le « non tu t’es trompé, c’est pas bien… mais réfléchit enfin ! » ça c’est une phrase que l’on bannit, c’est anti-pédagogique, anti-constructif, anti-productif ! L’erreur fait partie du processus d’apprentissage, on apprend par l’erreur. Il ne faut pas en faire un drame mais il faut en faire quelque chose d’intéressant à solutionner. Quand je remarque qu’un enfant se trompe, j’observe car parfois il va rectifier de lui-même ou trouver de l’aide ailleurs. Je reste vigilante : est ce qu’il va me demander ? Est-ce qu’il va laisser tomber ? S’il est sur le point de laisser tomber ou de s’énerver. Je m’approche tranquillement et je décris ce que je vois, je lui propose mon aide et j’essaie de l’accompagner sans faire à sa place, sans donner la réponse toute faite, je peux expliquer ou débloquer la situation ou lui demander d’observer telle ou telle chose… j’encourage pour que l’enfant mémorise et dépasse cet échec. L’enfant a aussi le droit de demander de l’aide à un copain ! Ainsi, je crée les conditions de son autonomie intellectuelle et je préserve son estime de soi.

Tu veux que tes élèves retiennent quoi de l'année passée avec toi ? Tu veux que tes enfants retiennent quoi de toi ? Décompresse, fais-toi confiance et prends soin de toi

On ne passe pas le bac et même si on le passait? Quelle relation veux-tu instaurer avec tes élèves, avec tes enfants? Il faut savoir relativiser et prioriser ! Il faut se faire confiance : on a passé le concours, on a lu des milliers de livres, on est passionné par ce métier, on a les bagages suffisants pour prendre de la hauteur par rapport aux situations difficiles, relativiser, revenir à l’essentiel pour se faire plaisir et faire plaisir aux enfants. J’ai un exemple en tête : j’ai travaillé dans une école où une collègue perdait pied. Elle pensait programme, elle n’avançait pas avec ses élèves parce que disait-elle : “ils n’avancent pas, c’est le bazar, je ne les comprends pas, ils ne me comprennent pas, on ne vit pas dans le même monde !” Elle arrivait morose, énervée et tout ce que l’on essayait de lui dire n’y faisait. Un jour, je lui dis : Emmène ton violoncelle à l’école et joue leur un morceau ! Elle a écarquillé les yeux et m’a dit : quoi, mais ça va pas ! ils ne vont même pas accrochés ! J’ai tenu bon en lui disant : tu n’as rien à perdre, tu joues et tu vois. » Le vendredi suivant, elle avait son violoncelle dans le dos. Elle était suivie par une horde d’enfants jusqu’à sa classe. Ce jour-là, elle est sortie en récré avec deux ou trois enfants autour d’elle, un sourire scotché et m’a dit : « c’était trop bien en fait, ils ont adoré ! » BANCO ! Elle était en train de reprendre du plaisir dans sa classe et de se reconnecter avec ses élèves, avec elle-même. Se faire plaisir, se faire confiance, être vrai avec les enfants. Les enfants le sentent et nous le rendent bien. 🙂

En résumé, pour nous, “bienveillance” c’est :

  • Un cadre, des règles
  • Anticiper les probables situations critiques
  • Prendre en compte les besoins des élèves et les nôtres !
  • Avoir une posture, “à leur hauteur”
  • Poser sa voix
  • Avoir une parole positive pour chacun
  • S’interdire de coller des étiquettes
  • Organiser des conciliabules d’adultes “en privé”
  • Dédramatiser l’erreur mais lui redonner toute sa place dans les apprentissages
  • Se faire plaisir !

Remarques : Tout ceci va favoriser un climat de classe apaisé mais précisons quand même que ça ne s’installe pas du jour au lendemain et cela demande une grande auto-discipline.

Mais la question centrale est : quelle relation veux tu construire avec tes élèves et/ou avec tes enfants ? A partir de là, c’est choisir, renoncer, construire, se tromper, tâtonner, se remettre en question mais c’est grandir !

Si toi aussi tu as d’autres astuces ou si tu veux creuser quelques pistes, demande, n’hésite pas par mail 🙂

Merci à Séverine, qui soit dit en passant, est une collègue qui me semble tout à fait “bienveillante” avec ses élèves ! Fais-toi confiance! 🙂

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